68, mon amour by Daniel Picouly

Auteur:Daniel Picouly [Picouly, Daniel]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature
ISBN: 9782246712619
Éditeur: Grasset
Publié: 2015-07-22T16:00:00+00:00

Chapitre 8

Quatorze heures

Le général Fourquet, chef d’état-major général, arrache le message codé du téléscripteur. Ses gars ont retrouvé la trace du « Grand » avant tout le monde. Il est en route pour Baden-Baden. Il va chez Massu. C’était à prévoir. Fourquet doit prévenir sur-le-champ, son ministre, qui lui-même informera le Premier ministre. Mais Fourquet sait déjà qu’il n’appellera pas Messmer. Pas tout de suite. Son ministre attendra et surtout Pompidou. Si le « Grand » a décidé de partir sans informer le Premier ministre de sa destination, c’est qu’il a ses raisons. Et les raisons du « Grand » sont des ordres. Ça ne concerne pas les civils. Le général Fourquet regarde le message brûler dans le cendrier posé sur son bureau. Il va appeler Massu, sans rien dire, mais en lui faisant comprendre. Il faut d’abord que l’hélicoptère du « Grand » se pose à Baden. Qu’on lui confirme. Après, il laissera deux bonnes heures d’avance au « Grand » avant de prévenir son ministre. Le général Fourquet allume une cigarette à la dernière flamme du morceau de papier dans le cendrier. Il se renverse et laisse aller un peu de fumée au-dessus de lui. Il coincera le téléscripteur. Un bourrage. Cela suffit parfois pour faire patienter l’Histoire.

*

… Vous ne voulez pas me confesser, mon père !… Je ne peux pas, ma fille… Mais pourquoi ? Parce que vous n’êtes pas encore un vrai curé ? C’est idiot !… C’est ainsi, je vous l’ai expliqué… Je m’en moque, moi, j’ai besoin… Parlez moins fort… Le jeune curé prend Nanette par le bras et la tire derrière un confessionnal… Moins fort, ma fille… Nanette ne comprend pas l’attitude du petit curé. Ce serait pourtant simple, ils entrent tous les deux dans cette boîte. Chacun d’un côté. Ils ne se regardent pas. Lui ferme les yeux, joint les mains. Elle raconte tout. Tout pour la gosse. Oui, ils vont la faire sauter. Aujourd’hui. À la sortie de l’école. C’est comme ça. Non, elle ne vient pas pour changer d’avis. Elle veut juste qu’il l’écoute en silence. Fasse ses simagrées, un signe de croix, hoche la tête et lui donne une ribambelle de Je-vous-salue-Marie pour pénitence… Ma fille, vous rendez-vous compte de ce que vous me demandez ? L’Église n’est pas un supermarché, les sacrements ne sont pas en libre service et le confessionnal n’est pas un Photomaton dont on ressort avec quatre poses souriantes… Le petit curé est blême. La colère lui fait un visage d’homme. D’homme dur. Nanette a soudain envie de lui. Oui, de lui ! comme ça. Comme une bouffée d’encens. Elle voudrait le bousculer, le pousser au fond du confessionnal, se jeter sur lui, le plaquer à la paroi. Il est surpris. Elle le saisit aux cheveux, lui offre sa poitrine à nu. Il faudra bien qu’il la tète, l’engloutisse, qu’il desserre les dents, laisse aller sa langue… Dis-moi du latin ! Nanette le retrousse. Son cœur bat dans tous les replis de cette satanée soutane.

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